Une semaine. Ma première semaine de "
métro-boulot-dodo". Ma première semaine de
35 heures.
Le réveil sonne, il est
6h40. Je cligne. Je râle.
Je saute du lit, je titube un peu, étourdie du lever précipité. L'eau, chaude, coule sur ma peau encore
endormie.
Le savon à la
mandarine me fait du bien. Le cerveau s'agite déjà, dans tous les sens.
Ok, je dois penser à prendre
mon pass navigo, remplir ma bouteille.
Porridge ? Oui, ça va le faire.
Il me reste des
fruits ? Ok, c'est bon aussi. Le pantalon blanc. Appeler le psy. Passer à la
poste ? Non ça sera fermé. J'irai samedi. Avec du chocolat ? Envoyer le mail. Ou bien les chaussures
marron.
Punaise, dépêches-toi
Marie, tu dépenses de
l'eau pour rien, tu es plus que rincée, tu vas perdre ta peau ! Oui, mais l'eau chaude
c'est si bon.
Jet d'eau froide. Très efficace, et je saute dans la serviette.
Frotti, frotta, 20 secondes plus tard j'enfile ma culotte et mes chaussettes sur mes pieds encore mouillés.
J'allume la bouilloire. Pendant que l'eau chauffe, je m'étire un peu. Quelques exercices de yoga, un peu de gainage, un peu de respiration. C'est bon.
Chemise. Pantalon. Flocons d'avoine. Lait d'amande.
Café. Chaud.
Je prends mon temps pour déguster. Je me brûle la langue avec
mes cuillères de porridge au chocolat et la purée de cajou.
J'ouvre la bouche, ça me refroidit un peu.
7h30. Séchage rapide des cheveux,
à l'envers à l'endroit, tu secoues tout ça. Un peu de crème pour masquer les cernes et ma pâleur
maladive.
Un peu de crayon dans la coin, un
coup de mascara. Manteau, sac. Un dernier coup d’œil dans la pièce, merde, les lumières. C'est parti.
Transport. RER. Changement.
Les yeux des passagers qui se ferment de fatigue. Il est
8 heures du matin, et déjà les parisiens portent sur leur visage
l'ombre de la fatigue. Le poids de la déprime grise.
Je me perds dans les
gestes, devinant ici ou là ces petites choses,
ces petits riens. Les doigts qui tournent les pages du journal 20 minutes.
Annonçant le meurtre d'une jeune fille et pic de pollution dans la journée.
Chouette.
Les
tapotements frénétiques d'un accro du tactile. La mine sévère de
Mr Costume, prêt à en découdre pour trouver une place assise, quitte à laisser debout la petite vieille,
qui s'agrippe comme elle peut à la barre pleine de microbes.
Un homme sale passe. Les mains noircies par la
crasse. Je peux le sentir venir avant de le voir.
Il dépose un
papier jaune en carton à côté de chaque passager, expliquant qu'il a 3 enfants, pas de travail, et pas d'argent. Il gémit un "
bonjour madame, bonjour monsieur ...".
C'est toujours le même papier.
J'ai d'ailleurs la
conviction qu'il existe un trafic de papiers "
demande d'argent". Qui sait, peut-être qu'il y a un gars à la tête du réseau, pour c
hapeauter la distribution de petits cartons.
De toute manière c'est toujours pareil. Certains regardent dans les yeux, en faisant
NON de la tête. Et avec plus de conviction que jamais.
D'autres lèvent
timidement les yeux, avant de les
baisser et de faire mine d'ignorer le mendiant. Mi gênés, mi agacés.
C'est drôle ces
réactions. C'est étonnant, tous ces humains,
qui se précipitent dès le matin dans le tourbillon du quotidien.
Ces pas précipités pour sortir le plus vite de la rame. Monter quatre à quatre les marches des escalators (oui, oui. Ils sont fous, non ?)
Pendant ce temps, je me mets bien à droite, savourant le présent. Savourant le temps.
Je sens l
'odeur forte des sols salis par les urines. Le bruit assourdissant du
RER qui arrive. Les cris des enfants. Les clac-clac des talons. Les mines fatiguées. Les cernes en bas des joues, et toujours ce même rythme effréné.
Moi aussi je suis
aspirée par ce tourbillon. Alors chaque fois que je peux, je reviens en moi. Je me concentre sur les sens. La respiration. Mon ventre. Mes pas.
La
vibration du siège qui me berce. Je me mets à sourire à cet homme en face. Je lis le nom des stations que je ne retiendrais pas.
Je descends. Je marche. Le bus est à 20 mètres devant moi. Il va partir.
Autour, des agités de la vie (soit 80%), se mettent à courir en faisant de grands signes avec leur bras comme si le chauffeur les regardait.
Je continue à
mon rythme. Sans me presser. Le bus n'était toujours pas partit.
Je suis montée. Je n'ai pas couru, je n'ai pas le souffle hâté et la mèche à l'envers. Je suis arrivée, calme. Et quand bien même je l'aurais loupé, un autre serait arrivé juste après ...
Collé-serré.
Je redescends. Le grand bâtiment de verre se dresse devant moi.
Il est 9h.
Je prends le temps de payer un café. Sourire. merci. C'est chaud, ça fume. J'aime l'odeur. Je prends l’ascenseur.
Arrivée. Je suis de bonne humeur. Calme.
J'ai résisté au tourbillon.
Mais je sais que si je baisse la garde, je peux vite être emportée par la vague. Et boire la tasse. Tomber. M'agiter. En faire trop.
Aller trop vite. Réfléchir à trop de choses. Me dépêcher.
Alors boum, je prendrais une leçon de la vie, pour me faire ralentir. Je mettrai un joli pansement, et je me relèverai. Toujours.
Prenons le temps, nous sommes pressés.